Le KKK en Ontario : les activités du Ku Klux Klan il y a 90 ans

Traduction de l’article de The Star : The KKK in Ontario: Found documents tell of Klan activity 90 years ago

Un côté haineux de l’histoire ontarienne est révélé par des documents trouvés dans une vieille grange.

Le 16 octobre 1925, le Toronto Star a publié cette photo décrivant une cérémonie KKK à London, Ont. où 1000 membres encagoulés initiaient 100 nouvelles recrues dans leur organisation pour la suprématie blanche.
Le 16 octobre 1925, le Toronto Star a publié cette photo décrivant une cérémonie KKK à London, Ont. où 1000 membres encagoulés initiaient 100 nouvelles recrues dans leur organisation pour la suprématie blanche.

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Par : Alex Ballingall, publié mardi, le 7 janvier 2014

Des hommes cagoulés portant de longues toges blanches et pratiquant des rituels ésotériques dans les bois près de la ville. Des croix en feu illuminant la nuit sur des collines lointaines. Les images sont effrayantes et ce qu’elles suggèrent est contraire à l’esprit du 21e siècle. Mais tout est là : étalé sur la table de la cuisine de Sarah Baumchem : de nombreux documents dont des photos, vestiges de la présence du Ku Klux Klan dans le sud de l’Ontario il y a quatre-vingt-dix ans.

La mère de trois garçons secoue la tête alors qu’elle feuillette les vieux documents. Ses mains effleurent d’étranges symboles et des caractères latins, des cartes de membres numérotés, des bulletins et des communiqués du Ku Klux Klan. Elle conserve tout cela dans une boîte, loin de la vue ses enfants.

« Ce n’est pas classé comme document historique. C’est classé comme de la propagande haineuse. Je ne pouvais pas vendre ça sur Kijiji ou quoi que ce soit », dit Sarah Baumchem, 34 ans, enveloppée dans une veste confortable avec son grand chien hirsute à ses pieds dans la chaleur de sa maison à environ 30 kilomètres au nord de Bowmanville.

Cette carte de recrutement décrit les principes généraux du KKK au Canada, y compris ceux de la « suprématie blanche » ainsi que « l’immigration restrictive et sélective ». Alex Ballingall/Toronto Star
Cette carte de recrutement décrit les principes généraux du KKK au Canada, y compris ceux de la « suprématie blanche » ainsi que « l’immigration restrictive et sélective ».
Alex Ballingall/Toronto Star

Elle met rapidement l’accent sur le mystère de savoir à qui les documents ont appartenus. Sarah les a trouvés dans une vieille grange il y a environ deux ans et demie. Elle donnait un coup de main à un voisin pour faire le nettoyage du vieux bâtiment quand quelques feuilles de papier sont tombé d’un espace creux dans la structure du toit. La date inscrite sur l’un d‘eux – 1918 – attira son attention. Dès qu’elle eut réalisé ce que c’était, elle se trouva face à un dilemme. Les documents étrangement fascinants du soi-disant « Empire Invisible » attestent d’une idéologie raciste et des échos inquiétants de certains des courants de pensée les plus honteux du siècle dernier : l’eugénisme, la ségrégation et le fascisme.

« Certains m’ont dit « Brûle tout ça ! C’est de la haine », dit elle.  Puis, après une pause «… Mais on ne peut pas se débarrasser de l’histoire ».

Les documents du KKK que Sarah Baumchem a trouvé racontent les activités et les politiques du Klan à Toronto et dans la région au milieu des années 1920.  Alex Ballingall/Toronto Star Alex Ballingall/Toronto Star
Les documents du KKK que Sarah Baumchem a trouvé racontent les activités et les politiques du Klan à Toronto et dans la région au milieu des années 1920.
Alex Ballingall/Toronto Star

Matthew Bullock travaillait à la gare Union lorsque le Ku Klux Klan décréta qu’il était un homme recherché. C’était en mars 1922 et le sort de ce jeune «nègre » venu de la Caroline du Nord fut rapporté dans le Toronto Star. Accusé d’incitation à l’émeute aux États-Unis, Matthew Bullock s’était réfugié au nord de la capitale de l’Ontario. Au moment de son entrevue avec le Star, le Klan avait menacé d’envoyer des cavaliers vêtus de cagoules pour l’attraper et le renvoyer aux États-Unis. Le journaliste soulignait la menace à laquelle le jeune homme faisait face en ajoutant que son frère avait été assassiné par les hommes du Klan aux États-Unis.

« Cela était destiné à me faire peur », avait dit Matthew Bullock.

Cet article constitue la première mention dans les pages d’un journal de Toronto de l’organisation étasunienne connue pour sa clandestinité. Le KKK était réapparu dans la société étasunienne durant la Première Guerre mondiale, après des décennies de dormance, grâce à un film sur l’organisation datant de 1915 et appelé « Naissance d’une nation ». Ce film avait propulsée l’image de la croix enflammée et du cavalier en robe blanche dans la conscience populaire.

Selon les documents et les dizaines d’articles de journaux trouvés par Sarah Baumchem, des factions de cette deuxième vague du Ku Klux Klan ont pris place dans le Canada au milieu des années 1920, de Vancouver aux Maritimes, menant à l’enrôlement des milliers d’adeptes. Leurs mouvements étaient régulièrement signalés dans le Toronto Star, surtout une fois que l’organisation eut pris racine dans la région. Des articles parlaient de croix enflammées dans les collines de Hamilton, d’une explosion de dynamite dans une église catholique à Barrie et de membres du Klan déguisés déposant une couronne au cénotaphe de l’hôtel de ville.

Ce qui rendaient ces groupes différents de leurs cousins étasuniens, c’était l’accent sur la préservation d’une notion identitaire étroite, religieuse et ethnique britannique au Canada, explique James Pitsula de l’Université de Regina, historien dont le livre sur le KKK , Keeping Canada British, a été publié l’an dernier.

« Dans ses différentes incarnations, le Klan n’est pas toujours pareil. Il y a des éléments qui sont les mêmes, comme l’idéologie raciale, ainsi que des accents différents », dit-il. « [Durant les années 1920], ils ont essayé de préserver l’hégémonie blanche anglo-saxonne protestante ».

Cette particularité est énoncée clairement dans les documents que Sarah Baumchem a trouvés. Ils sont pleins de références troublantes à la pureté raciale ainsi que sur  « le mal du catholicisme romain ». Par exemple, il y a une carte blanche qui porte une citation du Klan en latin « Non Silba Sed Anthar » qui signifie « Pas pour soi-même, mais pour d’autres ». Juste au dessous, la carte décrit les grands principes du Ku Klux Klan of Kanada – l’un des groupes les plus en vue du KKK dans le pays au milieu des années 20 – soient la « suprématie blanche » et le « nationalisme pur ». Elle se termine par un engagement pour le signataire : « Je suis blanc, gentil, protestant et je ne trahirai aucune serment ».

Une lettre du Ku Klux Klan de l'Empire Britannique datant de 1926 parmi les documents trouvés par Sarah Baumchem. Alex Ballingall/Toronto Star
Une lettre du Ku Klux Klan de l’Empire Britannique datant de 1926 parmi les documents trouvés par Sarah Baumchem.
Alex Ballingall/Toronto Star

C’est difficile à imaginer, mais les principes généraux de cette pensée n’étaient guère marginaux dans le Canada des années 1920, affirme Pitsula. L’anticatholicisme s’est très longtemps exprimé avec force, particulièrement par l’antipathie envers les [vrais Canadiens, Canadiens-français] Québécois ainsi qu’envers les immigrants Irlandais. En outre, « il y avait de la sympathie pour les préoccupations du Klan à propos des politiques d’immigration, en particulier dans son opposition à le venue d’immigrants en provenance d’Europe méridionale [Italie, Grèce, Espagne, Portugal, ..] et orientale [Russie, Roumanie a Tchécoslovaquie, …]», dit Pitsula.

« Il y avait beaucoup de sympathie pour les idées du Klan … Le Klan était une version plus extrême de ce que beaucoup de gens croyaient ».

Ceci est clairement exposé dans un article du Star de Mars 1926 rapportant un discours prononcé par J. H. Hawkins – leader d’un groupe étasunien appelé KKK de l’Empire Britannique – cité dans plusieurs des documents de Baumchem – lors d’une réunion ouverte du Klan à Parkdale. Hawkins pestait contre le bolchevisme, déplorait l’immigration en provenance des Balkans et affirmait que les anglo-saxons devraient être les seuls en position de contrôle au Canada. Ce discours reçu « des applaudissements enthousiastes » rapportait le Star.

Malgré les intérêts et les valeurs de l’époque, les organisations du Klan en Ontario n’ont jamais étendu leurs bases autant que dans des endroits comme la Saskatchewan où Pitsula rapporte plus de 25 000 adhésions à la fin des années 20. Mais ce retard de croissance ici n’était pas due à la dénonciation généralisée de leurs idées (bien que la condamnation n’était nullement absente), c’était parce que d’autres groupes mieux établis en Ontario commandaient déjà l’espace politique, explique Pitsula, citant un article de 1995 de l’historien Allan Bartley.

« En Saskatchewan, il y avait une utilité de plus pour le Klan qui était utilisé pour mobiliser le soutien contre la machine libérale », dit-il. « Il y avait là un but particulier pour ceux qui voulaient changer le gouvernement » dit-il.

Inversement, « en Ontario, des groupes tels que l’Ordre d’Orange avaient depuis longtemps accaparé le marché idéologique pour les vues anti-immigration et le soutien à l’idée de la suprématie blanche protestante », dit Pitsula. L’article de Bartley est en accord avec ceci, citant l’Ordre d’Orange comme meneur parmi les organisations représentant ce qui reste dans la province de la mentalité raciste impériale britannique de la fin du 19ème siècle.

Il n’y avait tout simplement pas de place pour un Klan fort en Ontario.

Donc, il disparut. Fowler quitta pour les États-Unis en 1926 laissant le KKK of Kanada dans les mains d’anglos comme le député James Lord du Nouveau-Brunswick tandis que Hawkins se dirigea vers l’ouest et y fit une brève apparition dans les opérations du Klan dans les Prairies, selon le livre de Pitsula.

« Ce sont des gens en colère et frustré », dit Pitsula à propos des membres du Klan du Canada. « Ils ont essayé de préserver l’ancien Canada pour lequel ils avaient combattu durant la Première Guerre mondiale alors qu’ils faisaient la guerre pour la civilisation et les valeurs britanniques », dit-il.

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Refus de détruire.

Cigarette coincée entre ses doigts, Sarah Baumchem conduit sa voiture sur les collines d’une route de gravier enneigée de l’Ontario où, par-delà l’horizon bordé d’arbres, au sud, à l’est et à l’ouest, le KKK avait trouvé un terrain fertile pour le recrutement il y a 90 ans.

Récemment, un agent de l’Antiques Roadshow de PBS a visité la région et Baumchem lui a montré les documents du Klan qu’elle avait trouvé. Il lui a dit que leur valeur monétaire est difficile à fixer, mais que leur valeur historique est remarquable. Il a également souligné le contenu délicat des documents étant donné qu’ils comprennent une feuille recto-verso recensant plus de 60 membres cotisants du Ku Klux Klan du chapitre Oshawa Kanada.

« Les noms sont ce qui les rendent dangereux », dit Baumchem. « Personne ne veut être liée à cela ».

Ayant grandi à Parry Sound, une petite ville sur les rives du lac Huron, Baumchem dit qu’elle n’est pas étrangère à la persistance des préjugés ainsi que l’intolérance fondée sur la religion et l’origine ethnique. C’est pourquoi elle refuse de détruire ce qu’elle a trouvé.

« Nous apprenons des erreurs de l’histoire », dit-elle. « C’est ainsi que nous devenons de meilleures personnes. Il faut ressentir le dégoût que ces chose inspirent ».

3 réflexions sur « Le KKK en Ontario : les activités du Ku Klux Klan il y a 90 ans »

  1. Ne nous leurrons pas, leurs maîtres et nos ennemis n’ont jamais été mous!!!
    Les Orangistes sont le bras canadien du KKK… contre les nègres blancs Francophones!!!!
    Il y avait des liens entre les orangistes et le KKK. Ils s’échangeaient des listes de membres. Il y a aussi une grosse différence…. Le KKK a été déclaré illégal à l’USA, mais les Orangistes sont toujours actifs et légal au Canada.
    Ils utilisent maintenant des noms plus acceptables, voir Northern Foundation, Heritage Front et Reform Party.

    Voir « Loyalisme et fanatisme », Petite histoire du mouvement orangiste canadien,
    par Pierre-Luc Bégin, Les Éditions du Québécois, 2008, 200 p. (ISBN 2923365224).
    http://boutique.lequebecois.info/boutique.html?page=shop.product_details&flypage=flypage.tpl&product_id=45&category_id=1&vmcchk=1
    Pierre-Luc Bégin: Conférence sur les orangistes

    http://video.google.com/videoplay?docid=-1332834420313016581#

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  2. Oui M Perron ! Surtout depuis le scandale dévoilé cette semaine par le bureau d’enquête du Journal de Montréal et Québec concernant :! Ce qui implique beaucoup d’hypocrites qui nous chantent FLEURETTE depuis 50 ans. Merci pour vos informations !

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