Le Canada : l’histoire d’une confusion entretenue

Au royaume de la confusion, les historiens amateurs sont rois
Gilles Ouimet
Tribune libre de Vigile
samedi 24 mai 2008
Au royaume de la confusion, les historiens amateurs sont rois. Après bien d’autres, monsieur Patrice Garant vient d’ajouter encore un peu plus de confusion dans la notion de Canada comme si cela était possible. Champlain fondateur du Canada ? Sans doute que oui. Mais de quel Canada s’agit-il ? En nous submergeant de citations et de références, il crie à l’évidence : le fils de Brouage est bel et bien à l’origine de notre Canada actuel. Quelle torsion de l’histoire ! Quelle manipulation des faits !

Tout d’abord, monsieur Garant confond Nouvelle-France et Canada en disant que c’est la même chose. Or ce n’est pas du tout le cas. La Nouvelle-France désigne l’ensemble de l’empire français d’Amérique. Le Canada d’alors n’est qu’une partie de cet empire, la partie la plus importante certes, mais une partie seulement. À témoin cette citation tirée d’un manuel en usage à l’Université Laval à la fin des années 1960 : « Le Canada du régime français n’est, en Nouvelle-France, qu’une région de peu d’étendue ; mais c’est là que la population s’est groupée de la façon la plus dense : il y aura en 1760 quelque 76,000 habitants. Le Canada, c’est tout ce pays habité depuis Vaudreuil, en amont de Montréal, jusqu’aux Éboulements (sur la rive nord) et de Châteauguay à Rimouski sur la rive sud. Correspondant à l’aire seigneuriale, il est divisé en trois gouvernements. » (Tiré de « Canada Unité et Diversité » de Paul G. Cornell, Jean Hamelin, Fernand Ouellet et Marcel Trudel.) La Nouvelle-France, toujours selon les mêmes auteurs, comprend en plus l’Acadie, la Louisiane, les Pays d’en Haut (région des Grands Lacs) et la Mer de l’Ouest (le chapelet de postes de traite établis par La Vérendrye et ses fils).

Pour revenir à ce Canada qui correspond grosso modo à la vallée du Saint-Laurent, il devient « Province of Quebec » à partir de 1763. La seule trace qui subsiste de cet ancien Canada, c’est que ses habitants continuent de se désigner comme Canadiens. Ils y sont largement majoritaires mais le pouvoir politique et la maîtrise de leur économie leur échappent. Normal, ce sont des conquis.

Et ce n’est pas la politique plus libérale de l’Angleterre à partir de 1774 qui va changer quelque chose. Cette politique, motivée par l’agitation des Treize Colonies, va amener un agrandissement de la « Province of Quebec » jusqu’à y inclure tout le sud de l’Ontario actuel. Mais il n’y a pas de Canadiens à l’ouest de la rivière Outaouais. Il n’y a que des Amérindiens et quelques postes de traite contrôlés par les marchands anglais. Les Canadiens demeurent toujours concentrés dans la vallée du Saint-Laurent dans les seigneuries où ils commencent à être à l’étroit.

En 1791, le terme Canada réapparaît mais dupliqué. L’Angleterre a divisé la « Province of Quebec » pour créer le Haut-Canada et le Bas-Canada séparés par la rivière des Outaouais. Le Bas-Canada, c’est essentiellement le Canada du régime français mais le Haut-Canada a été créé pour récompenser et accueillir les Loyalistes qui fuient les États-Unis pour demeurer fidèles à l’Angleterre. Ceux-là, il est plutôt difficiles de les associer à Champlain. Progressivement, ils vont se dire Canadians.

En 1840, après l’écrasement des Patriotes, l’Angleterre décide de réunifier ce qu’elle avait divisé en 1791 pour placer les Canadiens d’expression française en minorité pour faciliter leur assimilation telle que souhaitée par Lord Durham. Cette union est imposée. C’est le Canada-Uni formé du Canada-Ouest (Haut-Canada) et du Canada-Est (Bas-Canada), celui de Champlain. Les Canadiens francophones sont minoritaires à l’assemblée, l’anglais est la seule langue officielle. Difficile d’y voir un acte fondateur de notre part. Il faut se demander comment Champlain aurait réussi à s’y reconnaître.

En 1867, le Canada actuel apparaît quand l’Ontario, le Québec, le Nouveau Brunswick et la Nouvelle Écosse forment le Dominion du Canada. On pourrait arguer que puisque le Québec est un membre fondateur et que ce Québec est en fait, à peu de choses près, le Canada de Champlain, le fondateur de Québec peut donc être considéré comme le fondateur du Canada. Difficile d’être plus tordu. Le Canada de 1867 est une création de l’Ontario et de la bourgeoisie d’affaires surtout anglophone de Montréal. Cela n’a rien à voir avec le grand explorateur de la Charente Maritime.

Et pour ceux qui pourraient encore penser que Champlain est à l’origine du Canada actuel, revoyez ce qui s’est passé en 1982. Le Canada est reparti sur d’autre bases en envoyant paître le Québec. Dans la trajectoire canadienne, Champlain était déjà plus que moribond. Cette année-là, il est mort pour de bon.

Le sujet est déjà suffisamment compliqué, on a nul besoin d’amateurs pour venir embrouiller le tout davantage. Des marchands d’ambiguïté, on en a amplement. Quand on s’intéresse à un sujet historique, on commence par consulter un bon manuel et si l’on veut compléter, on peut s’attaquer à des documents de première main tout en gardant en mémoire que ces documents par lesquels on jure peuvent renfermer eux-aussi une bonne part d’imprécision.

Gilles Ouimet
diplômé de l’Université Laval et enseignant d’histoire pendant 35 ans.

— Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) —

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Canada Libre

Défaire la confusion est très simple : Le canada des anglos n’est PAS notre Canada.   Notre Canada est celui de Champlain et de nos ancêtres qui ont créé une nouvelle façon de vivre dans le Nouveau-Monde qui survie toujours dans noter peuple aujourd’hui.

Les anglos ont volé notre nom pour se donner un semblant de légitimité et pour mieux nous faire disparaître. Je ne leur abandonne pas ce que je suis et je refuse de disparaître alors qu’ils se trouvent donc un autre nom au lieu de voler le nôtre.

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