Le « Québec moderne ». Un chapitre du grand récit collectif des Québécois

 

«« Le discours social et la mémoire collective de la technocratie […]  se sont structurés à partir d’une problématique fondamentale […] celle de la mort d’un Être collectif le Canadien français à la personnalités traditionnelle, cléricale et colonisée et son remplacement par un nouvel Être collectif, le Québécois laïc, politique et désireux de se dépasser. »»
p.772 (LA CONSTRUCTION D’UN ÊTRE COLLECTIF)

«« .. les intellectuels ont procédé à la redéfinition d’un être collectif, l’homo quebecensis, en montrant comment il s’était formé dans l’histoire ou, plutôt, en décrivant comment il avait rompu avec un passé qui l’empêchait d’advenir. En effet, cette redéfinition de l’être collectif comme un être moderne est faite à partir de l’idée de rupture. Avec cette idée, [..], la conscience historique traditionnelle du Québécois est devenue « malheureuse » (ce qui pavait la voie à une mise à l’écart, sinon à un reniement de son passé vivant), et sa conscience historique moderne « bienheureuse » (ce qui favorisait la réification d’un présent déjà en voie de mythification). De ce « malheur » et de ce « bonheur » ont ailleurs procédé la plus grande portion des production scientifique et idéologique québécoises des années 1950-1980 .. »»
p.773

 

Le « Québec moderne ». Un chapitre du grand récit collectif des Québécois

Jocelyn Létourneau
Revue française de science politique Année 1992 Volume 42 Numéro 5 pp. 765-785

TOUT au cours des années 1960 et 1970, la technocratie, cette communauté de communication qui s’établit et qui s’affirme au sein de l’espace public et politique du Québec, entreprend de recomposer les référents fondamentaux de la vie collective et de modifier significativement l’univers symbolique de ceux qu’elle appellera dorénavant – et qui se nommeront eux-mêmes – les Québécois.

Il est absolument passionnant d’étudier, sous ses divers aspects, ce véritable processus de réinvention d’un groupe. Celui-ci s’effectue sous l’angle d’une triple opération, historique, mémorielle et identitaire.

Historique, parce qu’il implique une reconformation et une réécriture substantielles du grand récit pas lequel la collectivité établit son existence et construit son passé.  Mémorielle, parce qu’il repose sur des usages sélectifs de l’oubli et du souvenir, de la commémoration et de l’omission, du rappel et de l’indifférence de l’expérience vécue. Identitaire, parce qu’il concourt à la production d’une nouvelle figure de l’être et de l’espace collectifs (le Québécois et le Québec), figure qui tend à représenter le tout sociétal d’une manière cohérente, unitaire et homogène, et ce, à travers des configurations et des traits, des types et des agissements bien particuliers.

L’objectif, ici, est d’entrer au cœur de ce processus de réinvention du groupe en cernant et en décrivant certaines de ses principales caractéristiques. Le défi est en fait de mettre en lumière les rapports qui se sont tissées entre l’expérience vécue (passé brut et inaltérable), et le vécu consigné, transmit et induit (la fabrication d’une histoire et d’une mémoire collectives), dans ce grand récit que l’on a donné de l’expérience québécoise au cours des années 1950-1980.

Il appert en effet – c’est du moins notre postulat – que le Québec (comme désignation physique du corps social dans l’espace) et que le Québécois (comme « être » d’ensemble) sont, d’abord et avant tout, incarnations d’un récit. C’est-à-dire que l’un et l’autre existent en tant que construits, des entités composées, dotées d’une historicité fabriquée dans un texte narratif et iconique. À la longue, cette construction arrive à générer des effets de réel, c’est-à-dire qu’elle entraîne, chez l’acteur (qui est très souvent lecteur, auditeur ou participant du récit), une prise de conscience de son vécu en tant que vécu culturellement (ou ethniquement) marqué qui s’inscrit dans une trajectoire (temps) et une territorialité (espace) bien précises. Cela n’empêche pas qu’il soit possible d’établir une « grammaire » de ce récit, et donc de cette culture (ou de cette ethnicité), à travers une démarche de type historique, ethnologique, sociologique, narratologique et sémiotique.

Depuis quelques années, c’est à ce travail que nous nous employons en dirigeant notre attention vers l’étude de l’un de ces « chapitres » de ce grand récit collectif, celui qui a pour titre, ou plutôt que nous nommons : « Le Québec moderne ». Dans notre esprit, l’idée de « Québec moderne » ne se réfère pas simplement à un espace/empirique de l’ordre de la géographie et de l’histoire, mais à la figure construite d’une collectivité qui, en se réinventant une identité, donc une tradition (historique et folklorique) et une territorialité physique (expression et représentation de sa propre conscience dans l’espace), s’attribue un ensemble de marqueurs distinctifs.  Aussi le « Québec moderne », désigne-t-il pour nous l’espace/temps de la technocratie, et le « Québécois moderne », la figure identitaire d’un nouvel être collectif au genre et à la personnalité bien typés.

Pour pénétrer au cœur de ce « chapitre » du grand récit collectif, il faut exposer ses contextes d’élaborations, ses fondements, ses principes d’organisation et d’intelligibilité. L’argumentation développée ne consiste pas à représenter des résultats de recherche, mais à proposer des hypothèses de travail et des éléments d’une problématique qui est en devenir.

Plan
Le grand récit «du Quebec moderne»
La construction d’un être collectif
Une amnésie libératrice
Un passé inventé

Voir le texte complet (21 pages) : http://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1992_num_42_5_404341

Une réflexion sur « Le « Québec moderne ». Un chapitre du grand récit collectif des Québécois »

  1. «  » Voici la méthode qu’on utilise pour liquider les nations. Elle est compliquée et prend deux ou trois générations à accomplir. Il est essentiel à la démanteler en aliénant les liens familiaux. en lui faisait croire qu’il s’épanouit. Il faut commencer par le couper de ses racines ceci rompant sa continuité historique. Il faut par différent moyens le rendre hostile à ses traditions et à lui faire abandonner son patrimoine ancestral et culturel et à lui confisquer sa mémoire nationale. Il faut l’amener à déshonorer et à rejeter l’expérience de son histoire et de ses traditions (livres, culture, culte, chansons, héros, famille, mère et père, sa langue… Il faut dissoudre son homogénéité nationale en favorisant l’interruption de sa sélection parentèle en instituant le métissage sous toutes ses formes comme alternative naturelle. On corrompt doucement ses institutions du même coup lui faisant perdre confiance en elles car c’est bien par les élites qu’une civilisation s’effondre. Et puis son pays devient un territoire sans nation propre à lui et alors on le mondialise en ouvrant ses frontières aux cultures et nations du monde. Il faut qu’il finisse par se sentir étranger dans sa propre patrie. Puis, lentement quelqu’un d’autre lui écrit d’autres livres, lui donne une autre culture, lui invente une autre histoire. Finalement ce peuple s’endort lentement et oublie ce qu’il est, ce qu’il était et le monde autour de lui l’oublie encore plus vite. Une fois l’œuvre de destruction aussitôt fini, les barbares prendront la place. «  »

    – Jean Morrissette.

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