Apartheid universitaire

Y a-t-il une seule nation sur cette planète qui finance autant les institutions d’éducation postsecondaire de sa minorité que le Québec le fait avec ses anglophones? La réponse est NON. Partout, sur tous les continents, dans des nations indépendantes ou jouissant des pouvoirs en matière d’éducation, on vise avant tout la cohésion sociale et l’intégration via des études supérieures dans la langue nationale.
Au Québec, malgré la Révolution tranquille, malgré la Loi 101, malgré la rhétorique d’une soi-disant libération d’un passé de peuple conquis, on finance les universités de langue anglaise à près de 30 % du budget total pour une minorité historique de moins de 6 % de la population. Pendant que les services universitaires à la minorité francophone hors Québec se résument à une peau de chagrin qui ne fait plus pleurer personne, une université comme McGill trône fièrement en plein cur de notre métropole, participant à notre anglicisation avec la moitié de ses étudiants venant d’en dehors du Québec.
Cet apartheid entre une minorité anglophone privilégiée et une majorité francophone reléguée à des bantoustans d’universités sous-financées constitue la réalité dont personne ne veut parler, car elle ouvrirait la porte à l’admission de notre échec et à la nécessité de renforcer notre aménagement linguistique.
Ce livre constitue un puissant rappel à la minorité de langue anglaise du Québec qu’elle est la plus choyée au monde. Il s’agit également d’un vibrant plaidoyer en faveur d’actions concrètes et courageuses permettant de sortir du cadre limitatif d’une Loi 101 souvent centrée sur l’affichage pour s’attaquer à un problème auquel nous n’avons jamais voulu faire face : la nécessité d’un financement des institutions postsecondaires de notre minorité historique au prorata de son poids démographique.
Nous avons le choix : mettre fin à l’apartheid universitaire ou disparaître.
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Un auteur dénonce l’«apartheid» universitaire au Québec
Par Annabelle Blais, journal Métro, 1er mai 2012
Même si le poids démographique des anglophones est inférieur à 6% au Québec, les universités anglophones s’y partagent près de 30% du budget. Aux yeux de l’auteur Louis Préfontaine, c’est à ce problème que devrait répondre le gouvernement lorsqu’il est question du sous financement des universités du Québec. À l’occasion de la sortie du livre Apartheid universitaire, Métro s’est entretenu avec l’auteur.
Vous dénoncez le surfinancement des universités anglophones. Le titre de votre livre, Apartheid universitaire, est-il volontairement provocateur?
C’est pour faire prendre conscience qu’il y a deux réseaux parallèles d’éducation. On a un réseau francophone qui a une très faible vitalité avec des revenus moindres. La minorité anglophone du Québec jouit d’un réseau d’éducation largement mieux financé per capita que celui de la majorité francophone. On peut donc considérer qu’il y a une forme d’apartheid entre les réseaux. C’est une forme de discrimination à l’égard du Québec. On a qu’à regarder notre réseau pitoyable d’universités francophones. Mais oui, il y a une composante de provocation dans mon titre, mais il est assumé.
Selon vous, la solution est de financer les universités anglophones selon le poids démographique de cette communauté au Québec?
On ne prend pas les moyens d’assurer la vitalité de notre langue. Ce que je propose dans mon livre est de régler une injustice et de financer les universités anglophones en fonction de leur poids démographique. Et même en faisant cela, on leur donnerait plus que ce que les minorités des autres pays reçoivent.
Mais il n’y a pas que des anglophones dans ces universités…
C’est vrai et c’est correct. Mais ce serait bien aussi qu’il y ait des anglophones dans les universités francophones. Il y a aussi beaucoup d’étudiants étrangers dans ces universités qui sont financés avec nos impôts. On attire des gens (et notamment des Français) qui ne souhaitent pas de participer à la culture québécoise mais plutôt à la culture majoritaire anglophone nord-américaine. En soit, ce n’est pas un problème. Le problème c’est que nous payons pour ça. S’il y avait une université privée, elle pourrait faire ce qu’elle veut. Mais en ce moment, 50% des étudiants de McGill ne viennent pas du Québec. Et nous, nous payons pour ces gens-là.
Sans McGill, le Québec ne se classerait pas dans les meilleurs palmarès d’universités… Oui McGill est une très bonne université, mais c’est une université qui ne favorise pas l’ouverture à la culture québécoise. Et si on donnait à l’UQAM les sommes que l’on donne à McGill ou si on donnait une faculté de médecine à l’UQAM on améliorait sa réputation et sa qualité. McGill, historiquement, est un symbole de la domination de la minorité de langue anglaise au Québec et ils n’ont jamais accepté le fait qu’ils ne sont plus une minorité canadienne, mais une minorité québécoise. Et c’est la clé pour comprendre le problème actuel.
Votre livre sort dans un contexte propice où le financement universitaire est dans l’actualité.
Oui. Je n’en parle pas directement dans le livre, mais c’est aussi un argument aux étudiants pour le dire regardez il y a moyen de réaménager les choses pour aller chercher les sommes dont le gouvernement a besoin.
Le cas McGill
L’université McGill reçoit 1,2 G$ du 1,7 G$ que les universités anglophone reçoivent (71%) du Québec. En prenant le financement de chaque institution séparément (et non pas en réseau comme le réseau de l’Université de Montréal qui comprend HEC et Polytechnique), McGill est l’université la plus financée au Québec. Et un étudiant sur deux à McGill vient de l’extérieur du Québec. M. Préfontaine se demande donc pourquoi ce serait au Québec de financer cette situation.